Alexandra Koszelyk sera présente au prochain salon Livres dans la Boucle à Besançon. Elle vient de publier À crier dans les ruines (Aux Forges de Vulcain).
Léna est de retour en Ukraine où elle a passé son enfance. Vingt ans plus tard, elle revient à Pripyat, cité dortoir érigée pour les employés de la centrale toute proche, ville martyr, jonchée de ruines après l’accident nucléaire. Dans ce paysage de cauchemar où des chiens sauvages au gènes modifiés observent les flots de touristes que déversent les bus, Léna pense à Ivan, son ami d’enfance qu’elle a laissé à Pripyat lorsque le réacteur 4 de la centrale a explosé, ce funeste jour du 26 avril 1986. Si Alexandra Koszelyk, dans ce premier roman, prend pour point de départ le drame de Tchernobyl, c’est bien la relation qui unit ces deux êtres qui est au coeur du livre.
L’auteure évoque en filigrane, à travers Ivan, les liens entre l’homme et la nature, comment celle-ci reprend paradoxalement ses droits dans une zone irradiée à cause de l’incompétence humaine. Mais qu’en est-il de l’être humain lui-même ? À crier dans les ruines raconte aussi l’exil de Léna, « ce sentiment de ne pas être à sa place » et la nécessité de se reconstruire au sein d’une nouvelle culture. Une résilience qui passe nécessairement, pour la fillette, l’adolescente puis la jeune adulte, par un tiraillement entre son ancienne vie et l’avenir en France. Depuis Pripyat, Léna remonte le fil de sa vie, tandis que des lettres qu’Ivan n’enverra jamais, nous en disent plus sur le destin parallèle du jeune homme. Une autre question qui parcourt le roman, est de savoir si l’on peut échapper au déterminisme familial, social, comme on quitte une zone contaminée pour se protéger. On apprendra que la grand-mère de Léna, Lenka, a dû fuir elle aussi la famine qui s’était abattue sur sa petite province ukrainienne, cet événement ayant des conséquences sur les vies de sa fille et de sa petite-fille. Que faire alors ? Partir et couper définitivement les ponts avec son ancienne vie, comme le font les parents de Léna, contraints de quitter une nuit, pour toujours, leur appartement (leur vie) à Prypiat ? Ou conserver le lien avec sa culture, revenir au pays natal pour s’accomplir vraiment ? C’est le dilemme qui sous-tend tout ce roman écrit d’une plume souvent lyrique, dont la poésie sait garder à bonne distance l’horreur de Tchernobyl.