Sultan Ulutas Alopé sera sur les planches du TNS en janvier pour présenter un seul en scène élaboré aux côtés de Jeanne Garraud. Elle y raconte son expérience de la double nationalité, qu’elle tente de concilier au plateau dans un décor épuré, pour mettre en valeur le texte.
Une jeune femme arrivée récemment en France, en attente de sa carte de séjour, apprend « la langue de son père », le kurde, qui la replonge dans ses souvenirs d’enfance. Pourtant c’est le français que la comédienne a choisi en tant que langue de médiation. « Je n’avais pas cette capacité de penser ou de réfléchir tout ce que je ressentais ou je portais dans moi dans ma langue maternelle, en turque », expliquait la comédienne lors de la présentation de saison du TNS en juin dernier. Son mémoire à l’ENS de Lyon évoque d’ailleurs le jeu « dans une langue étrangère et le sentiment d’étrangéité au plateau ». De son enfance, l’artiste garde la honte de la langue kurde, opprimée en Turquie.
D’ailleurs Sultan n’a pas souhaité réécrire le texte, paru aux éditions L’Espace d’un instant, dans un français irréprochable, car ce français, pas toujours conforme aux standards, est cependant une expression de sa part intime, celui d’une étrangère. « J’ai trouvé une sorte de liberté dans cette langue, parce que je n’avais pas d’a priori ». La pièce explore ainsi le rôle central du langage dans la constitution de notre personnalité. Si le kurde renvoie au racisme dont ont souffert Sultan et sa famille, le français peut au contraire être « un gilet de sauvetage ». La Langue de mon père évoque également une relation compliquée à la figure paternelle. Entre cultures kurde et turque, le français fait office de langue neutre qui aidera peut-être la jeune femme à réconcilier ses deux identités.
– Marc Vincent –
La Langue de mon père, Théâtre National de Strasbourg, du 23 janvier au 2 février
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