En ce début d’automne, l’Espace multimédia Gantner fait dialoguer arts numériques et jeux vidéo, dans une nouvelle exposition temporaire qui mêle dessin, performance, vidéo, mais également des installations immersives et interactives pour s’intéresser à d’autres représentations, d’autres récits que ceux issus des cultures occidentales.
L’artiste Isabelle Arvers, commissaire de l’exposition, a travaillé autour des ponts entre art et jeux vidéo, et réunit à Bourogne créateurs et créatrices (mais aussi enseignantes, chercheuses) qui mettent à profit le gaming comme moyen d’expression. L’autre fil rouge de cette nouvelle exposition à Bourogne, c’est le vivant, le Vivant avec un V majuscule, une conscience écologique qui ressort dans de nombreuses propositions. L’exposition s’éloigne des centres mondiaux en matière de jeux vidéo (États-Unis, Japon, Europe) pour adopter un regard décolonial. Ainsi la coopérative argentine Matajuegos, avec ses jeux vidéo, nous offre un exemple de création latino-américaine soulevant des questions d’ordre politique et social. Certains des artistes conviés s’intéresseront au potentiel immersif du jeu vidéo à l’image d’Henri Tauliaut, plasticien / performeur guadeloupéen qui avec Water Divinity (Divinité de l’Eau), met en lumière les divinités aquatiques de sa culture afro-caribéenne. L’exposition va en effet parfois apporter de la lumière sur des cultures oubliées ou invisibilisées.
Toujours en matière d’immersion, Epicurus Garden, de Tania Fraga, est une installation de réalité virtuelle recherchant la symbiose entre humains et ordinateurs. Et si les technologies sont, comme souvent à l’Espace multimédia Gantner, au centre de l’exposition, elles sont le relais ici de la défense des cultures dites ancestrales, comme lorsque la chorégraphe, artiste et chercheuse Aniara Rodado, avec son installation/performance Coca para comer, évoque le monde végétal. La référence à la sorcellerie inscrit cette proposition dans une mouvance trans-féministe et écoféministe, dressant un parallèle entre crise écologique et exploitation des corps. Quant au jeu vidéo Laidaxai, de Daniela Fernandez, il est un bel exemple du travail de créatrices (dissidentes) de jeux vidéo en Argentine, traitant de féminisme et de décolonialisme là encore. Une transgression de règles en place (ici le patriarcat) qui est aussi transgression des savoirs occidentaux, étant entendu qu’il existe bel et bien des connaissances « au-delà de l’humain » comme l’a écrit l’anthropologue Eduardo Kohn, qui a étudié la manière dont « pensent » les forêts. Avec Frailejonmetría Comparada et Mapa de relaciones tactiles, Eulalia De Valdenebro Cajiao nous montre comment des plantes emblématiques des páramos (écosystèmes) colombiens, entretiennent de troublantes ressemblances anthropomorphiques. Comme un autre trait d’union entre l’être humain et la nature.
– Dominique Demangeot –
Aux Futurs Ancestraux, de l’art numérique aux jeux vidéo, Bourogne, Espace multimédia Gantner, du 14 octobre au 20 janvier
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