AUTOBIOGRAPHIE
L’Archipel
Si l’on connait Yves Duteil le chanteur et guitariste, la fonction de maire qu’il occupa pendant un quart de siècle, ainsi que le citoyen engagé sont restés quelque peu sous les radars. Pour la première fois le chanteur se livre dans une autobiographie, par ailleurs accompagnée d’une compilation sous la forme de 4 CD. En fin d’ouvrage on peut scanner un code menant vers ce « Meilleur de » qui paraît chez Bayard Musique, comprenant notamment seize versions inédites et reprenant les chansons citées tout au long de l’ouvrage, autant de pierres qui ont pavé ces Chemins de liberté.
L’auteur du Petit pont de bois évoque son enfance, et notamment Brunette, sa mère qui lui a donné le goût des mots. Viennent ensuite la fac de droit et une école de commerce qui n’ont pas pesé lourd face à la musique. Seul le Petit Conservatoire de Mireille trouvera grâce à ses yeux. Yves Duteil revient alors sur ses débuts dans le métier, et le succès qui arrive enfin avec le troisième album, Tarentelle, même si la célébrité n’a pas que des bons côtés. Chemins de liberté est aussi un livre d’hommages, à d’autres artistes comme Véronique Sanson, Brassens, Barbara, mais c’est également l’occasion d’évoquer son épouse Noëlle. Il n’est d’ailleurs pas rare que le chanteur s’exprime à la deuxième personne du pluriel dans cette autobiographie, tant le couple semble fusionnel. L’artiste n’oublie pas non plus les fidèles de l’ombre comme l’arrangeur hors pair Jean Musy ou son « ingénieux du son » Michel Colin, qui travaille par ailleurs avec son presque-homonyme britannique… Phil Collins !
« Une chanson peut sembler dérisoire au regard des tragédies, des cataclysmes et des menaces qui pèsent aujourd’hui sur le monde. Mais l’art met parfois la gravité en apesanteur et le temps sur « pause »… »
L’hommage est aussi rendu à la langue française, qu’Yves Duteil a si bien chantée sur La langue de chez nous, évoquant notamment son combat pour le quota de 40% de chanson francophone à la radio. C’est alors en toute logique qu’à l’heure des plateformes d’écoute en ligne, le chanteur s’interroge aussi sur le devenir des artistes. « Une aubaine pour les entreprises, une aumône pour les créateurs. » L’histoire est bien évidemment ponctuée de chansons, dont la « fétiche » Virages qui figure sur son premier album paru en 1972. Yves Duteil fêtera l’an prochain ses cinquante ans de carrière et il peut s’enorgueillir d’avoir plusieurs de ses paroles et musiques enseignées dans les écoles (comme Brassens).
Si Yves Duteil évoque la chanson telle une « arme de réunion massive », au-delà de la musique et des mots il y a aussi les actes. Chemins de liberté aborde son engagement politique – parlons plutôt d’engagement citoyen, loin des chapelles partisanes -, un engagement qui a pris la forme de quatre mandats de maire dans la petite commune de Précy-sur-Marne (où résidait également Barbara). Une « aventure municipale » commencée par hasard mais fructueuse au final, une entrée dans le concret de la vie, comme lorsque la Marne était sortie de son lit en 1993… Tout en se gardant bien d’un « idéalisme fleurant l’angélisme », Yves Duteil affirme pourtant un peu plus loin que la poésie « puise sa force dans le réel ». Le chemin vers la liberté, pour un artiste, réside peut-être dans cet équilibre fragile entre les rêves et la vie.
Dominique Demangeot