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Notabilia
Le confinement de 2020 et les demi-confinements mis en place par la suite laissent les êtres humains dans une situation inédite, sentiment d’une perte de repères et angoisse face à l’avenir qui n’épargnent personne. C’est donc à point nommé que sont publiées aux éditions Notabilia deux nouvelles de Sophie Divry. Dans la première, Curiosity, la plus longue, l’autrice part pour l’espace, nous mettant en présence avec un engin spatial qui a atterri sur Mars et doit affronter la solitude.
En février dernier, le rover Perseverance posait avec succès ses six roues sur la planète rouge. L’astromobile a pour objectif de collecter des échantillons de roches qui seront rapportés ultérieurement sur terre. Il fait partie des nombreux véhicules a avoir été envoyés sur Mars, à l’instar de Curiosity en 2012. À ce dernier, Sophie Divry prête une conscience et le besoin de témoigner pour les futures générations de rovers qui vont lui succéder. Durant trois nuits on apprend à mieux connaître le robot. Dieu lui transmet des commandes chaque matin de 8 heures à 10 heures. Mais depuis quelques jours, les communications sont de plus en plus espacées. Loin de cette terre bleue qu’il imagine, Curiosity a tout de même quelques amis, les satellites au-dessus de lui, « un peu snobs, c’est l’altitude », et les atterrisseurs, bien moins prestigieux, voire stupides. Mais malgré la « mort » du robot qui approche inexorablement, la nouvelle de Sophie Divry ne se départit pas d’un côté absurde qui prête également à sourire. Pour tromper l’ennui des tâches répétitives, oublier les conditions de travail difficiles (comme ce sable qui s’insinue dans le moindre de ses interstices), le rover tente même de faire copain copain avec des molécules, en vain… « Dans ma détresse, je leur ai fait un petit coucou. J’ai lancé des likes électromagnétiques vers les perchlorates, l’éthylène, le benzène, le toluène, le tiophène. Mais aucune molécule n’a été excitée d’une quelconque manière. »
Ce n’est pas la première fois que la littérature se peuple de robots plus humains que les humains, mais ici l’angle choisi est pour le moins particulier et incite à réfléchir sur notre propre condition. Si la nouvelle de Sophie Divry soulève quelques grandes questions sur notre rôle sur terre et sur l’existence d’un dieu quelconque – qu’il siège dans un hypothétique paradis ou dans les bureaux de la NASA -, Curiosity s’attache également à décrire avec une précision astronomique les sensations du rover. Les informations techniques qui figurent dans le récit ont été recueillies par l’autrice au Centre national d’études spatiales (CNES). Elle a pu s’entretenir avec des scientifiques dans le but de décrire le plus fidèlement possible la mission du rover.
« Mars, ce n’est pas excitant ; Mars, ce n’est pas bienveillant ; Mars, ce n’est pas great du tout ! C’est la planète la plus ennuyeuse du Système solaire. »
Si sur Mars on n’entend que le souffle des tempêtes martiennes et les roues du véhicule qui tournent, Sophie Divry emplit ce vide cosmique des pensées de Curiosity. En 2010 déjà, l’autrice nous ouvrait l’accès, dans La Cote 400, au monologue d’une bibliothécaire confrontée à la solitude de son sous-sol. Ici, c’est tout aussi usé que nous apparait le rover qui va bientôt être mis au rebus par les techniciens de la NASA. Qu’advient-il de nous lorsque l’âge de la retraite a sonné ? Le temps du rover Curiosity est compté et il se voit confronté à sa fin prochaine, lorsque les hommes auront décidé de le placer en « safe mode » et l’éteindre définitivement. Aussi loin qu’il a pu voyager, le rover est bel et bien confiné dans son coin de planète, faisant écho à la seconde nouvelle, tout aussi ironique. Une vieille dame qui vit seul se voit proposer d’agrandir son espace vital lors du confinement du printemps 2020 grâce à un produit miracle, l’Agrandirox…