COUNTRY POP FOLK
Interscope/Polydor
Le septième album de la Californienne la voit jouer à domicile, Lana Del Rey plaçant cette nouvelle galette sous le mythique patronage du quartier de Laurel Canyon, Los Angeles. Après la publication l’an dernier de son recueil de poèmes, Violent Bent Backwards Over The Grass, Lana revient à la musique avec Chemtrails Over The Country Club et si une certaine Amérique fantasmée revient nous hanter, la chanteuse y ajoute quelques revendications féminines, légitimes et dans l’air du temps.
Depuis son job de serveuse, relaté dans le premier titre, White Dress, Lizzy Grant a fait un beau bout de chemin, enjambant le pays-continent pour passer de New York à L.A. Chemtrails Over The Country Club nous prouve que le road trip est loin d’être achevé (un nouvel album, Rock Candy Sweet, est d’ailleurs déjà annoncé pour juin). Lana Del Rey choisit ici l’épure à l’image de la chanson-titre, sa voix mixée en avant comme s’en est assuré le surdoué Jack Antonoff, déjà présent sur le précédent opus Norman Fucking Rockwell ! L’instrumentarium ici est assez restreint, si ce n’est le piano très (omni ?) présent. Mélodies et arrangements stratosphériques, chant alangui concourent une fois encore à cette nostalgie californienne que Lana Del Rey distille si bien depuis une décennie. Un voile évanescent recouvre ce nouveau disque, dentelles de batterie, nappes de clavier légères et vaporeuses comme ces traces de fumée qu’abandonnent les avions dans le ciel. Luxe, calme et volupté. Seul Dark But Just A Game avance une rythmique un peu plus soutenue.
Lana s’entoure de quelques consœurs, réaffirmant son statut d’artiste à part (entière), sans se formaliser désormais des critiques qu’elle essuie depuis le début de sa carrière, développant une méfiance légitime envers les médias. Les fêlures, Lana connaît et les change en or. On voyage en première classe juqu’à Tulsa. Avec son chant délicatement auto tuné, Tulsa Jesus Freak aurait pu figurer sur Born To Die. Puis on part pour le parc national de Yosemite, guitare-voix osseux aux arpèges boisés, là encore sans artifices. Antonoff suggère ici quelques notes au clavier, des percussions discrètes, souligne plus qu’il n’accompagne, instaurant en arrière-plan une discrète dissonance comme sur White Dress ou le très dépouillé Wild At Heart.
Le Laurel Canyon qu’évoque Lana Del Rey est d’abord celui d’artistes féminines, Joni Mitchell dont elle reprend For Free en compagnie de Zella Day et Weyes Blood, Joan Baez et Stevie Nicks qu’elle évoque aussi sur l’album. Comme l’illustre la pochette, Lana se sent bien entre filles. « God, it feels good not to be alone », chante-t-elle sur Dance Till We Die. Recherche d’une solidarité féminine, une certaine affirmation également comme la chanteuse l’avance sur ce titre tout ce qu’il y a de plus transparent : « Let Me Love You Like A Woman »… « Let me be who I’m meant to be ». Sur Breaking Up Slowly, country fantomatique qu’elle interprète en compagnie de Nikky Lane, Lana confesse qu’elle ne veut pas finir comme Tammy Wynette, cette chanteuse de country qui connut son heure de gloire dans les années 60 et 70, mais dut composer aussi avec un mari particulièrement violent… Lana Del Rey est l’héroïne d’un western glamour, déconstruit sa pop pour la plier à ses exigences, et on en connaît beaucoup qui aimeraient danser avec elle jusqu’à la mort.