HIP HOP CHANSON
Excuse My French/Believe
L’artiste franco-rwandais s’était fait remarquer en 2013 avec un premier album, Pili-Pili sur un croissant au beurre, avant de connaître un vrai succès littéraire grâce à son roman Petit-Pays en 2016 qui dépeignait les guerres civiles au Rwanda et au Burundi. Deux EP, un album jeunesse et une adaptation cinématographique plus tard, Gaël Faye est de retour avec la publication de Lundi Méchant, mêlant rap et poésie pure, mélodies et rythmes d’Afrique mariés à des sonorités électro.
Au vu de la situation, pas étonnant qu’il faille nous inventer des exils, comme le chante Gaël Faye sur Kerozen qui ouvre l’album. Pour s’échapper de cette « vie dehors comme sous caisson », nous éviter d’être comme des hamsters dans des roues, il y a la poésie. Entre virus respiratoires et étranglements mortifères, en France ou ailleurs, c’est peu dire que l’on a du mal à s’aérer en ce moment. Dans Lundi Méchant, l’auteur aspire à un plus bel ailleurs, et nous dévoile des musiques particulièrement chamarrées. Des mélodies d’Haïti (Une histoire d’amour), des saveurs d’Afrique comme lorsqu’il s’agit d’adapter un calypso d’Harry Belafonte (JITL). Gaël Faye voyage. Dans NYC, il relate d’ailleurs son arrivée dans la Grosse Pomme, à l’occasion d’une journée passée avec Harry Belafonte, son flot(w) de mots comme boosté par « cette ville sans répit ».
Car le flow, Gaël, ça le connait. C’est là qu’il a commencé, dans le rap. L’Afrique tient bien sûr une belle place sur Lundi Méchant, comme avec Chaloupé et sa ritournelle semblant emprunter au célèbre Adagio d’Albinoni pour « des biguines aux pas légers ». La danse est une forme de résistance. Avec le jeune chanteur nigérien Jacob Banks, Gaël Faye enregistre à Londres Only Way Is Up, Jacob apportant un côté soul indéniable. Quant à la chanteuse canadienne Mélissa Laveaux, on la retrouve sur le très beau Seuls et vaincus, un texte de Christine Taubira ouvert à l’interprétation, qui pointe cependant un esprit de combat et d’engagement. Juste après, Lueurs vient comme un outro, axant davantage sur les violences policières. Un texte fort comme un cri (qu’on veut étouffer, là encore). Sur le mélancolique Zanzibar (invitation au voyage), Gaël retrouve le pianiste complice Guillaume Poncelet, qui réalisait son premier album solo en 2013. Avec C’est cool, le chanteur nous ramène au début des années 90, « entre un mur qui tombe et deux tours qui s’écroulent », l’époque où l’auteur laissait son Jardin d’Eden burundais pour un appartement d’immeuble en France. Bien plus tard, Gaël Faye retournera au petit-pays natal, qu’il ne manque pas d’évoquer en fin d’album, en compagnie de son compatriote Samuel Kamanzi. Kwibuka signifie « se souvenir », un retour au Rwanda pour ne pas oublier ce « million de nos tombes en trombes torrentielles ».