BANDE DESSINÉE
Huginn & Muninn
En juillet 2019, Michael Allred présentait les premières planches de son projet d’album consacré à David Bowie. Programmé pour une sortie en janvier de cette année, c’est finalement en ce mois d’octobre que paraît le très sobrement intitulé Bowie dans sa version française, proposant un focus sur le début de carrière du chanteur britannique, jusqu’à sa flamboyante période Ziggy Stardust.
Michael Allred, c’est un brillant CV d’auteur dessinateur, créateur du personnage de Madman, mais aussi de la série Red Rocket 7, qui mélange d’ailleurs science-fiction et rock’n’roll, directement inspirée de Ziggy Stardust. On l’aura compris, c’est en fan absolu que Mike Allred s’est décidé à empoigner le mythe Bowie, ce qui n’est pas chose aisée au vu de la riche carrière de l’artiste et de sa personnalité complexe, chanteur aux mille visages maîtrisant aussi bien son image que sa voix, les arrangements et les mélodies.
L’album, dont le titre original est plus poétique (Bowie – Stardust, Rayguns & Moonage Daydreams), retrace la carrière de l’artiste de 1962 à un certain jour de juillet 1973, lors d’un concert à l’Hammersmith Odeon immortalisé par le réalisateur D.A. Pennebaker, cette date historique où Bowie va dire adieu à son personnage de Ziggy Stardust. De la sortie du single Space Oddity, premier tube du chanteur publié quatre jours après la mort de Brian Jones en juillet 1969, et deux semaines avant le premier pas de l’homme sur la Lune, jusqu’à l’apogée du glam rock au milieu des années 70, Bowie retrace avec fidélité l’ambiance de l’époque. Un album dans lequel on ressent aussi sans trop de surprises le goût de Mike Allred pour le rock anglais, ainsi que pour l’univers visuel des années 50-60 et le pop art en particulier.
On retrouve par ailleurs la ligne claire typiquement américaine de Mike Allred, nette et précise, qui travaille ici encore avec son épouse Laura pour les couleurs. Et de couleurs, Bowie n’en manque pas ! La bande dessinée épouse l’époque, et consacrer une BD à la vie de David Bowie ne peut faire l’impasse sur une illustration foisonnante, à l’image de l’artiste caméléon. Aux côtés de Steve Horton au scénario, Allred a dû réunir une riche documentation pour restituer le plus fidèlement possible le travail de David Bowie. Comme le note dans la préface Neil Gaiman, collaborateur de Mike Allred sur Sandman, « le livre est bourré d’allusions visuelles ». La bande dessinée enchaîne ainsi les scènes psychédéliques, tandis que les fans de musique apprécieront les reproductions de pochettes mythiques de certains disques. L’album se concentre donc sur la période « maquillée » de Bowie alias Ziggy Stardust, le plus flamboyant personnage qu’il ait campé. Et comme semble le symboliser la première illustration, représentant Bowie aux côtés de grands noms de la musique anglaise comme Jimi Hendrix, Brian Jones, Pete Townsend et d’autres, Bowie nous replonge dans l’ambiance bouillonnante et survoltée des late sixties, à une époque où quelques artistes ont posé les bases de ce qu’est encore aujourd’hui la musique rock. L’album a aussi l’intérêt de nous transporter dans les coulisses de la création : la rencontre décisive de Bowie avec le producteur Tony Visconti, l’association gagnante avec le guitariste virtuose Mick Ronson… Dans un « épilogue à rallonge », Mike Allred n’oublie pas de faire allusion à la suite de la carrière du Thin White Duke, mais en accéléré, et le dessinateur n’exclut d’ailleurs pas une suite à ce premier album !
Dominique Demangeot