L’Archipel
Publié à l’origine en 2002, Abécédaire d’enfer, de Thierry Séchan, ressort aujourd’hui aux éditions de L’Archipel dans une version revue et augmentée, pour suivre Renaud depuis ses premiers concerts dans les cafés–théâtres jusqu’aux Zéniths. Un ouvrage qui devrait inciter les fans de Renaud Séchan à se précipiter dans les librairies, mais qui constituera aussi la parfaite porte d’entrée dans l’univers du créateur de Mistral Gagnant.
Ce « vagabondage entre les mots de Renaud, entre ses mots d’hier et ses maux d’aujourd’hui », comme l’écrivait Thierry Séchan, est donc remis au goût du jour grâce à Stéphane Loisy, biographe de chanteurs et ami de Renaud. L’auteur s’est basé sur des notes et des propos recueillis pour parachever cet Abécédaire, que Thierry Séchan, disparu l’an dernier, n’aura pas eu le temps de voir arriver sur les étagères des librairies. Thierry, qui a notamment pris part à l’album Boucan d’enfer en 2001, se voit d’ailleurs attribuer une entrée dans cet abécédaire. Il faut dire que la plume du romancier, parolier, essayiste, constitue tout le sel de l’ouvrage. Le plaisir de lecture est réel et ce n’est pas toujours le cas avec ce genre de livre. On retrouve son ton mordant, voire féroce, et ils sont beaucoup à en prendre pour leur grade, de Gérard Lenorman à Philippe Val, en passant par « Guy Béart, intarissable, hélas », BHL et j’en passe… Thierry Séchan règle même quelques comptes avec son frère, et c’est tant mieux car le livre est loin d’être l’hommage un peu mièvre d’un frère à un autre. Mais on vous assure, c’est bien la tendresse (voire même l’admiration parfois) qui l’emportent ici !
On apprend énormément de choses sur la carrière de Renaud, sur son œuvre bien évidemment, depuis Amoureux de Paname en 1975 à Les Mômes et les Enfants d’abord ! sorti l’an dernier. Thierry Séchan n’est pas avare en citations des paroles de son cher frère, ainsi qu’en anecdotes. Renaud intime, dans le cercle familial, Renaud star de la chanson, Renaud/Renard… l’Abécédaire se penche sur les différentes facettes de l’artiste, les bons moments comme les moins drôles. Et ce n’est pas pour rien qu’une longue entrée est consacrée à San Antonio/Frédéric Dard, lui aussi grand manieur de la langue de Rabelais. De « Gonzesse » (terme ô combien affectueux chez le chanteur) à « Tatatssin», cet abécédaire nous rappelle aussi combien Renaud a su manier la langue française tout au long de sa carrière. Thierry Séchan opère même des focus sur quelques-uns des albums du frangin. Des amis, aux amours jusqu’aux emmerdes, cet Abécédaire d’enfer fourmille d’anecdotes sur la vie de Renaud (comme ce beau texte de Renaud lui-même ou l’on apprend que le chanteur croisa, à l’âge de dix ans dans un ascenseur, Georges Brassens dont il reprendrait les chansons quelques décennies sans plus tard). La riche iconographie nous présente Renaud à différents moments de sa carrière, dans la sphère publique ou privée. Il y a nécessairement des termes que l’on attendait comme Anarchiste, pour évoquer le Renaud de 68 et de Où c’est qu’j’ai mis mon flingue ? L’abécédaire revient également sur Renaud et sa sensibilité sociale à fleur de peau. Et même si « Tonton » n’a pas forcément rimé avec « Révolution », « en lui, l’anar le cédera toujours à l’utopiste » comme Thierry Séchan l’écrivait si bien.