Chronique de Léger glissement vers le blues publiée à l’origine dans l’édition d’octobre 2017 du journal Diversions – consulter le PDF ici –
Léger Glissement Vers Le Blues, le nouveau recueil de nouvelles de l’écrivain du New-Jersey vient tout juste de paraitre aux éditions la Dragonne. C’est lors de la promotion pour son ouvrage lors des salons littéraires de la rentrée que nous avons pu nous entretenir avec l’auteur, pour en savoir un peu plus sur son travail et comment était perçu le métier d’écrivain indépendant des deux côtés de l’Atlantique. Chronique et entretien.
La Dragonne / 2017
Nouvelles
Léger glissement vers le blues constitue la deuxième publication de Mark SaFranko aux éditions La Dragonne, éditions qui ont eu le nez fin en prenant sous leur aile un des fers de lance de feu les Editions 13e Note. Comme pour le volume précédent Incident Sur La 10e Avenue, on retrouve ici une des pratiques certainement les plus maitrisées par SaFranko, à savoir la nouvelle. Léger glissement vers le blues en contient huit, certaines avec ce bon vieux Max Zajack, alter ego de l’auteur dont on lit comme toujours les histoires de looser magnifique depuis Putain d’Olivia, certaines des nouvelles ici présentes ayant été écrites entre ou pendant les quatre romans parus chez 13e Note. Car en effet, l’auteur du New Jersey a pioché dans son catalogue très riche des textes récents et anciens, parus dans diverses revues outre-Atlantique ou parfois même inédits. Ça part parfois de rien, une petite situation du quotidien où les choses ne se passent pas comme elles devraient pour prendre une tournure souvent drôle et amère, quand elles ne virent pas au drame. Et l’homme arrive comme à chaque fois en moins de vingt pages à mettre ses personnages dans des postures foireuses, en partant parfois de ces évènements anodins comme une aile de voiture enfoncée (Putain de bagnole), la pensée pour une ancienne copine de lycée (Le fantasme de Surkow), un repas dans un restaurant new-yorkais (Paradoxes) ou encore une balade en forêt en famille (Mauvais trip).
Ne s’encombrant pas de détails, Mark SaFranko délivre de façon magistrale de courtes histoires toujours pleines d’amertume, où l’on sent souvent une petite touche autobiographique, avec en arrière-plan la difficulté pour les classes moins aisées de vivre dans l’Amérique actuelle, mais écrit comme toujours avec un brin de cynisme et une grosse dose d’autodérision caractéristiques de l’auteur. Comme à chaque fois, on dévore ce recueil qui se lit bien trop vite, nouvelles obligent. Mais on ne désespère pas de voir enfin arriver les suites des aventures de Zajack laissées en plan depuis Travaux Forcés, surtout quand on sait que trois romans de notre looser préféré restent pour l’instant non publiés.
– Florian Antunes Pires –
Rencontre avec Mark SaFranko
Léger Glissement Vers Le Blues est ton deuxième recueil de nouvelles à être publié en France. C’est un genre qui semble être typiquement américain. Comment expliques-tu cela ?
C’est une bonne question. La tradition remonte à l’antiquité et je crois a eu plusieurs phases de développement à travers les siècles. Poe et Hawthorne si je ne me trompe pas ont popularisé le genre en Amérique et bien d’autres grands noms d’auteurs américains ont pratiqué ce type d’écrit. Peut-être est-ce la prolifération de magazines et journaux durant les vingt dernières années aux États-Unis qui ont aidé à construire cette popularité. Mais je ne suis pas sûr que tant de gens que les lisent encore de nos jours. Leur nombre a augmenté d’une façon record avec toutes les publications sur internet, mais je ne pense pas que la quantité égale la qualité. J’écris des nouvelles depuis des décennies et pour moi c’est une chance d’atteindre une perfection insaisissable, puisque le style est un genre extrêmement difficile et requiert que chaque mot soit le bon, alors que pour un roman tu peux t’en sortir avec bien plus de liberté.
Paradoxalement, ton public semble être ici en Europe. Penses-tu qu’il soit plus facile pour un auteur américain d’être connu en Europe, l’Amérique étant un trop gros océan pour les écrivains ?
Pas du tout. Je ne pense pas que cela soit plus facile pour un auteur de trouver un public en Europe. Un certain genre d’auteurs peut-être trouveront leurs lecteurs en Europe. Les Européens sont friands pour un certain type de littérature que les Américains n’aiment typiquement pas. Et les États-Unis sont effectivement un petit étang pour ce qui est des auteurs qui vivent de leur art. Ces mêmes quelques auteurs – dont je tairai les noms – ont toute la presse pour eux et les autres sont marginalisés pour différentes raisons, la plupart ayant à voir avec des histoires d’argent. Aux États-Unis, tu es Stephen King ou tu n’es rien. Alors qu’en Europe, il y a de la place pour une classe moyenne d’écrivains.
Penses-tu que ton travail est mieux connu en France qu’aux USA ?
Indiscutablement. Mon plus large public est dans les pays francophones, la France en premier lieu. Aux États-Unis, j’ai une petite poignée de suiveurs, mais je ne suis pas assez vu pour que ce soit commercialement viable.
Tu as écrit beaucoup de nouvelles, de pièces de théâtre. Mais va-t-on pouvoir lire un autre roman, une suite à Travaux Forcés peut-être ?
Il y a effectivement pas mal de romans qui ne sont pas encore publiés, dont trois avec le personnage de Max Zajack, qui sont la suite des quatre romans publiés en France*. La question étant de savoir si et quand ces livres seront publiés en France. En espérant que ce ne soit pas trop loin dans le futur.
Quel est ton point de vue sur l’Amérique actuelle avec ce nouveau Président ?
Quand les gens sonnent à ma porte, j’ai pour habitude de dire – avec un large sourire – « Ceci est une zone de non-politique ». Dans un premier temps, ils ne savent pas si je suis sérieux et je les assure que je le suis. Je leur explique qu’une discussion politique, peu importe de quelle sorte, qui n’apportera rien de bons ou d’agréable, me donne de sérieux maux de tête.
*Putain d’Olivia, Confessions d’un loser, Dieu Bénisse l’Amérique et Travaux Forcés, tous publiés chez 13e Note.
Propos recueillis par Florian Antunes Pires