Article publié à l’origine dans l’édition de septembre 2017 de Diversions (consulter le PDF ici)
Cette année le salon littéraire du Grand Besançon, Livres dans la Boucle, proposera aux lecteurs quelques échappées musicales. Clotilde Courau lira ainsi Il était un piano noir de Barbara, accompagnée de l’accordéoniste Lionel Suarez, tandis que David Vann présentera des extraits de son livre Aquarium publié chez Gallmeister, en compagnie du groupe bisontin Li. Une conférence autour de la bossa nova, musique reine du Brésil, sera par ailleurs donnée par Jean-Paul Delfino, à l’occasion de la sortie de sa grande enquête Bossa Nova, la grande aventure du Brésil.
Le moment de lecture et de musique proposé par David Vann et le duo bisontin Li mêlera les mots de l’écrivain américain et la musique électronique de Li. Les deux musiciens avaient déjà expérimenté cette forme hybride en rencontrant un autre auteur américain, Dan Fante, mettant en musique des poèmes de ce dernier. Six compositions musicales inédites sont nées de la lecture du roman Aquarium de David Vann – lire notre chronique ci-dessous . Une narration musicale sous forme de tableaux, interprétés en anglais. Le texte de David a été repris tel quel, même si des collages, des coupes et des juxtapositions ont été opérées pour cette nouvelle création #LDLB.
David Vann
Aquarium (Gallmeister, sorti en octobre 2016)
L’obscure clarté de l’air (Gallmeister, à paraître en octobre 2017)
Il y a dans les publications de David Vann quelque chose de familier, de commun à chacun de ses ouvrages, depuis ses débuts et les premières lignes de Sukkwan Island. Même si les histoires sont différentes, on y trouve un schéma narratif similaire, celui de personnages faisant souvent partie des couches les moins gâtées de la société mais qui, sans pour autant avoir de facilité, parviennent à survivre, sans se plaindre. On les sentirait presque heureux, ou du moins adoptant la situation telle qu’elle est, s’y habituant, jusqu’à ce qu’un évènement vienne perturber l’équilibre. Les récits de David Vann prennent alors une tournure noire. Car c’est bien de cette couleur que l’auteur remplit ses pages. On l’avait bien vu dans Impurs ou dans Goat Mountain (prochainement réédité en poche dans la collection Totem chez Gallmeister), et les deux dernières parutions de l’écrivain américain ne dérogent pas à la règle. Bien que différentes dans leur contenu, elles ont bien des points communs, dont celui de la tragédie.
Dans Aquarium, on rencontre Caitlin, douze ans, vivant seule avec sa mère dans la banlieue de Seattle. Son unique moyen de s’évader est sa visite chaque soir après l’école à l’aquarium de la ville de l’état de Washington, en attendant que sa mère termine son triste travail au déchargement des porte-containers dans le port de la ville. Caitlin a fait la connaissance d’un vieil homme, et cette rencontre va vite transformer la vie de l’adolescente quand sa mère l’apprendra. Un secret sera révélé et la vie de la jeune fille deviendra un véritable puits de noirceur, la relation avec sa mère prenant alors une tournure malsaine.
Aquarium est donc totalement dans la continuité des publications qui les précédaient, avec une tension dictée par des chapitres courts, où paragraphes descriptifs et dialogues s’enchainent sans distinction. Un style que l’on retrouve dans L’Obscure clarté de l’air. Même si le sujet tranche radicalement avec l’univers auquel nous a habitué l’auteur, il reste finalement dans l’illustration de la tragédie qui habite l’œuvre de David Vann. Avec ce nouvel ouvrage, l’écrivain adapte, avec ses propres codes, le mythe de Médée, qui aux côtés de Jason fuit à bord de l’Argo, sous la menace de son père. Médée emmène avec elle le corps démembré de son frère qu’elle a elle-même tué. Vann modernise le mythe, et nous offre une histoire noire et violente, entre vengeance, trahison et désillusion, avec tout l’ésotérisme dans lequel baigne la mythologie, ici sans aucun doute l’un des premiers récits féministes de l’humanité. L’écrivain confie avoir toujours été influencé par l’Antiquité, et il qualifie lui-même ses écrits de tragédies grecques. Il faut en trouver la source au début de son cursus universitaire où pour la première fois il étudie le mythe de Médée. Avec ce nouvel ouvrage, David Vann réalise un projet qui trainait dans un coin de sa tête depuis vingt-cinq ans.
– Florian Antunes « Redneck » Pires –
Livres dans la Boucle 2017, Besançon, divers lieux, du 15 au 17 septembre 2017
www.livresdanslaboucle.fr