ROMAN
Gallimard
Dans ce second roman, peu voire pas de suspense. Dès les premières pages, on sait que ça finira mal, très mal. Pour les enfants, mais aussi et surtout pour « ceux qui restent », les parents et Louise, la nounou qui a commis l’irréparable, qui a « donné la mort mais n’a pas su se la donner ». Glaçant, ce roman l’est tant par le thème que par le style, épuré et puissant. Jamais l’auteur ne cède au pathos, ni à la tendance d’explication psychologisante. Ce sont les faits bruts qui nous sont révélés, puis nous les percevons à la lumière de personnages fort complexes et pour lesquels nous ressentons tour à tour agacement puis compassion, sachant d’emblée le dénouement qui les attend.
Difficile de ne pas penser au film de Joachim Lafosse, À perdre la raison, qui racontait en 2012, l’histoire de cette mère infanticide. Le livre de Leïla Slimani est de la même veine et semble-t-il, procède de la même volonté de narrer un fait divers atroce, terrible, inimaginable, sans jamais porter de jugement sur les acteurs du drame. Chacun des personnages est vu dans son ensemble, de façon presque objective, factuelle. C’est la grande force de ce roman : nous présenter des personnages sous des facettes plus ou moins reluisantes. Chacun est perçu et raconté à l’aune de ses faiblesses, si petites soient-elles. Le doute plane, à chaque page, le lecteur est pris, comme dans un roman policier, mais dont il connaît la fin et la ferveur avec laquelle il tourne les pages est la même que celle que Louise met à se faire accepter, aimer, à se rendre indispensable. Impossible de juger, le livre fermé, difficile de comprendre aussi, mais quel plaisir que cette lecture !
– Lucie Brownie –